La Fondation François Sommer a réalisé en juin dernier un Livre Blanc pour faire évoluer la chasse et ouvrir un dialogue nouveau avec la société. Il fait suite à 3 ans d’études et d’entretiens. En découle 8 chantiers à bâtir d’ici 2040 : tendre vers une plus grande éthique de la chasse, mieux former les chasseurs, faire évoluer les pratiques, conjuguer chasse-plaisir et régulation, réenchanter la chasse au petit-gibier, devenir des acteurs incontournables de la gestion des milieux, expérimenter de nouveaux modes de chasse et apprendre à vivre ensemble. Mise en perspective.
Pour une plus grande éthique de la chasse
Le premier enjeu de ce Livre Blanc repose sur l’attitude générale du chasseur. Celui-ci devra s’intéresser autant à la nature qu’au prélèvement et veiller ainsi, au bon état de conservation des espèces et des espaces qui les accueillent. Le tableau de chasse sera mis au second plan, au bénéfice de l’amitié et du partage.
Pour tuer proprement, le chasseur de 2040 devra toujours demeurer conscient de ses actes et des possibilités de son arme. Il ne visera donc qu’un animal clairement identifié et procédera systématiquement au contrôle de son tir et à la recherche au sang en cas de blessure. Ce même souci de respect de l’animal conduira le chasseur à toujours prendre soin des animaux qui l’assistent dans l’acte de chasse (chiens, chevaux, rapaces).
Sous la pression sociétale, les parcs de chasse et enclos seront sans doute amenés à disparaitre. Cas échéant, ils devront proposer un espace de vie adapté aux besoins vitaux de l’animal avec des zones abritées et un nourrissage très ponctuel. Les clôtures aux abords des routes seraient en revanche, maintenues au motif de la sécurité publique.
Concernant les lâchers de gibiers, seuls ceux à des fins de repeuplement seront autorisés et devront intégrer un temps d’acclimatation.
Un chasseur mieux formé et intégré dans la société
Le profil des nouveaux chasseurs étant de plus en plus urbains, de nouvelles demandes apparaissent telles qu’apprendre à bien tirer (30% des attentes exprimées). Pour assurer la sécurité de tous, le permis de chasser pourrait donc comprendre davantage de mises en situation avec notamment la prise en main d’armes modernes telles que la semi-automatique et s’accompagner d’une phase d’apprentissage d’un an.
Parmi les autres propositions retenues par la Fondation Sommer, nous pouvons aussi citer : la mise en place d’une épreuve de tir dès le passage du permis ainsi qu’un entraînement régulier au ball-trap et/ou au sanglier courant.
Selon le mode de chasse pratiqué, les besoins en formation varient également. Des modules complémentaires pourraient voir le jour sur la connaissance des territoires et des espèces. Les chasseurs seraient également sensibilisés aux problématiques agricoles et forestières mais aussi, à l’ensemble des actions menées par le monde cynégétique (plantation de haies, maintien des zones humides, etc.).
Faire évoluer les pratiques au-delà des réglementations
La sécurité des usagers des espaces naturels continuera d’être assurée à l’horizon 2040 par la formation et la responsabilisation des chasseurs.
Dès le permis de chasser, l’accent sera mis sur la sécurité. Pour inculquer les bonnes pratiques, les vidéos deviendront un support de formation de plus en plus répandu. Les comportements répréhensibles seront sanctionnés et les responsables de chasse, davantage sensibilisés.
En zones périurbaines, les chasseurs devront renforcer le contact avec les maires et désamorcer les peurs en renforçant la sécurité, en invitant les non-chasseurs à des opérations techniques et en développant les chasses sans arme à feu telles que la chasse à l’arc. Ainsi, la chasse sera davantage intégrée dans les offres de loisir des municipalités.
Si des incidences sont constatées, elles devront être étudiées au cas par cas et les partenariats avec les autres fédérations de sports de plein-air, renforcés.
Plus d’efficacité, plus de plaisir, plus d’ouverture
D’ici 2040, l’évolution des chasses collectives fera simultanément évoluer l’efficacité et la sécurité à la chasse. Par ailleurs, la complémentarité des modes de chasse facilitera la régulation et la prévention des dégâts. L’agrainage sera ainsi toujours dissuasif et les technologies employées seront toujours mises au service de la chasse sans impacter son Adn.
Pour la gestion des milieux et de l’environnement, la Fondation François Sommer émet quatre axes d’amélioration : continuer d’engager des actions communes avec les agriculteurs et forestiers, entretenir régulièrement la végétation dans les espaces périurbains pour empêcher le cantonnement des sangliers, former à l’équilibre agro-sylvo-cynégétique et encourager les chasseurs à participer activement au réseau de surveillance loup-lynx.
D’un point de vue sociétal, la Fondation encourage les fédérations et associations locales de chasse à maintenir le dialogue avec les non-chasseurs en réglant les conflits d’usage et en leur faisant découvrir la chasse. Elle préconise aussi, la commercialisation de la venaison et la participation active des chasseurs dans la surveillance sanitaire de la faune sauvage.
Réenchanter la chasse au petit-gibier
L’avenir de la chasse au petit-gibier passe d’abord par la reconnaissance des agriculteurs comme des acteurs essentiels du territoire et de la biodiversité. Intervient ensuite la pérennité des actions de restauration engagées puis, la création d’un label européen valorisant les exploitations concernées.
Une fois les territoires redevenus accueillants pour la petite faune, chasseurs et agriculteurs pourront procéder à des repeuplements de gibiers à partir de souches sauvages. Pour cela, ils pourront mobiliser à bon escient, des fonds existants comme le programme LIFE ou encore, des financements privés (fondations, donations ou mécènes). L’important étant que l’ensemble des acteurs (propriétaires, agriculteurs, chasseurs et collectivités) aient une vision commune de la biodiversité en milieu rural.
Sur le plan de l’acceptation sociétale, les habitants doivent systématiquement être associés aux programmes de sauvegarde mis en œuvre par les chasseurs : plantation de haies, repeuplement, comptage, surveillance sanitaire, etc. Cela conduira à une meilleure compréhension mutuelle et les habitants verront ainsi la réalité de la chasse durable et sa valeur ajoutée pour le bien commun.
Devenir des acteurs incontournables de la gestion des milieux
Le but serait d’abord de construire un code de bonne conduite écosystémique (haies, chemins, etc.) et de le diffuser le plus largement possible au monde de la chasse. Dans le même temps devrait être améliorée la visibilité des actions bénévoles des chasseurs en faveur des milieux et de la biodiversité.
Riverains, chasseurs, agriculteurs, propriétaires terriens, élus locaux et associations de loisirs de plein-air deviendraient ainsi parties prenantes dans la mise en œuvre de ces politiques locales d’aménagement des milieux et donneraient ainsi naissance à de nouvelles approches territorialisées.
Agir sur la politique fiscale en accompagnant les propriétaires terriens et faire évoluer les baux de chasse vers un système de bonus/malus corrélé aux dégâts de grand-gibier permettrait d’obtenir de plus, un modèle économique plus pérenne.
De nouvelles façons de chasser
Pour la fondation François Sommer, il semble de plus en plus nécessaire de diversifier l’offre de chasse pour séduire un plus grand nombre de pratiquants. Cela passe notamment par la mise en valeur de la chasse au chien d’arrêt et le développement de la chasse à l’approche et à l’affût. Certains modes de chasse plus discret comme la chasse à l’arc devraient également prendre de l’ampleur. Ceci suppose, comme il a été dit par ailleurs, d’initier le chasseur à ces divers modes de chasse dès le début de sa formation.
Le devenir du chien est aussi un élément important à prendre en compte. Pour les chiens courants, la fondation propose d’initier un programme de promotion avec la Société Centrale Canine. Le chasseur devra de son côté, veiller à préserver le patrimoine génétique des races et veiller au bien-être de ses chiens tout au long de l’année. Le devenir des chiens d’arrêt est quant à lui tributaire du retour du petit-gibier de plaine.
Outre leurs chiens, les chasseurs sont de plus en plus férus de technologie. Ils devront toutefois veiller à ce que ces innovations liées à la sécurité et au bien-tirer soient toujours en accord avec l’éthique de la chasse et au besoin, réglementer leurs usages.
Apprendre à vivre ensemble
Les élus locaux, riverains, organismes de chasse, associations de loisirs de plein-air, chasseurs, agriculteurs, forestiers… devront s’entendre et harmoniser leurs actions sur le terrain. Pour bien vivre ensemble, ils devront assumer une gestion collective des espaces naturels et déterminer ensemble les bonnes pratiques.
Pour éviter le conflit, les chasseurs planifieront de plus en plus leurs activités dans des applications mobiles et pour porteront des événements tels qu’un Dimanche à la chasse pour susciter le dialogue.
Pour réduire les nuisances sonores et la peur du tir, les chasses individuelles et silencieuses seront de plus en plus plébiscitées.
Pour tendre vers une chasse durable, les chasseurs devront obéir à la « règles des 3 R » : gagner en Responsabilité, inspirer le Respect et accélérer la transition vers une chasse Raisonnée.
D’ici 2040, ils auront donc à mener trois combats : s’adapter sans jamais se renier, entamer une révolution culturelle pour que la chasse soit mieux comprise et acceptée dans la société et ainsi, rester fiers de leur identité.