Morgane T, 43 ans, 20 ans dans les forces de l’ordre et mère de famille accomplie, se considère comme une chasseresse 2.0, pratiquant une activité à la fois moderne et ancestrale. Pour fédérer les femmes autour de sa passion et « transmettre les valeurs du monde de la chasse et ses savoirs », elle a fondé le groupe Facebook « Chasseresses de l’Isère ». En cette journée de la femme, nous avons voulu dresser son portrait.
Comment as-tu découvert la chasse ?
J’ai découvert la chasse adolescente grâce au père de ma meilleure amie en Vendée. Puis, j’ai réellement commencé à m’y intéresser en accompagnant mon compagnon.
Si au départ aucun membre de ma famille ne chassait, aujourd’hui, la chasse est devenue une histoire familiale puisque j’ai passé mon permis en même temps que mes enfants, Elza et Ethann, en septembre 2022 ; la pandémie ayant retardé de 2 ans mon examen.
Où et pourquoi chasses-tu ?
Je chasse dans l’Isère (sur Châbons et Oyeu essentiellement) mais aussi, dans la Drôme et en Alsace.
Je chasse pour manger plus sainement ; les viandes du commerce étant de plus en plus chères et pas toujours qualitatives. J’aime d’ailleurs expérimenter de nouvelles recettes de gibier que je partage avec plaisir avec mon entourage.
Lorsque je chasse, je me sens également utile en participant à la régulation des ESOD (Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts). Certaines espèces causent en effet, des dégâts agricoles importants que beaucoup de personnes extérieures à la chasse ignorent. Par exemple, les corbeaux freux et corneilles noires sont responsables de dégâts sur les semis de maïs au printemps. En fouillant la terre avec leurs groins, les sangliers endommagent aussi les cultures. Outre la perte de denrées, ils perturbent aussi la fauche en rendant les sols irréguliers. Dans les prairies, même constat : après leur passage, l’herbe peut être totalement rase par endroit. […] L’abroutissement et l’écorcement des arbres provoqués par les chevreuils et les cerfs peuvent également perturber la régénérescence forestière. […] Il est important pour moi, de soutenir l’agriculture et la sylviculture française en veillant à la régulation de ces espèces de manière suivie et encadrée. C’est d’ailleurs à cette fin que je me suis inscrite aux formations piégeurs et garde-particulier proposées par la FDCI.
Que chasses-tu et avec quelle arme ?
Je pratique essentiellement la chasse au gros gibier avec une carabine Winchester 35 Whelen que j’utilise en battue.
Mon mode de chasse préféré reste cependant l’approche et l’affût car il y a une réelle symbiose avec la nature et les animaux. Il faut avoir une bonne condition physique pour partir à l’aube, marcher parfois longtemps pour pouvoir admirer un lever de soleil et l’éveil de la faune sauvage. C’est un vrai régal.
Je m’initie aussi à la chasse au vol avec un rapace ; ce qui me permettra de reprendre prochainement la chasse au petit-gibier en laissant le fusil au râtelier. La fauconnerie me plait tout particulièrement car il s’agit d’un art classé patrimoine culturel par l’Unesco (largement pratiqué par des femmes au Moyen-Age) et parce qu’il requiert beaucoup de patience et une réelle connivence avec son oiseau.
Comment s’est déroulé ton intégration au sein de ton équipe de chasse en tant que femme ?
Les hommes sont souvent surpris de voir une femme chasser. Chance ou précision, à chaque tir, j’ai pu prélever sur mon ACCA (Association Communale de Chasse Agréée). C’est ainsi que « j’ai fait mes preuves » et que j’ai su instaurer le respect de mes pairs. Nous sommes désormais deux femmes à chasser sur mon ACCA et nous faisons la fierté de nos équipiers.
Quel est ton plus beau souvenir de chasse ?
Après deux heures de marche dans la neige au petit matin, a à peine 1 degré, à 1 700 m d’altitude , j’ai pu admirer sur fond de lever de soleil, un magnifique troupeau de chamois dans les prairies alpines et réaliser un beau prélèvement : un cabri mâle… mon premier chamois ! Un moment magique vécu et partagé avec mon compagnon de vie. Tout était réuni pour faire de cette chasse, une expérience inoubliable.
Tu as créé un groupe Facebook « les chasseresses de l’Isère ». Dans quel but ? Et quel contenu peut-on y trouver ?
En chassant dans la Drôme, j’ai pu découvrir qu’il existait des échanges cynégétiques entre femmes sur ce département via un groupe Facebook. Mais, en Isère, nous n’avions rien. J’ai donc décidé de créer le groupe « les chasseresses de l’Isère ». -> https://www.facebook.com/groups/851185679339943/
Sur ce groupe qui est encore récent, je compte partager les informations fédérales mais aussi, promouvoir la sécurité à la chasse et biensûr, créer des échanges entre chasseresses iséroises pour pouvoir découvrir d’autres territoires et d’autres pratiques de chasse. Je vais y partager aussi mes recettes de venaison et celles des chasseresses qui m’enverront les leurs.
Est-ce que tu serais partante pour créer (voire présider) une antenne départementale de l’ANLC (Association Nationale de La Chasse au Féminin) ?
Oui tout à fait ! C’est un peu ce à quoi tend mon groupe Facebook. J’espère qu’avec le temps, il pourra se transformer en association consacrée aux chasseresses.
Aurais-tu un message à faire passer aux autres chasseresses du département ?
La chasse est un sport enrichissant, synonyme de partage, de don et de respect. Partage de la nature, de la venaison, d’un savoir ancestral mais aussi d’amitiés et de complicité lorsque l’on chasse en équipe. C’est également un don de soi car la chasse demande beaucoup de temps, de patience et de persévérance. La chasse que je conçois, ne peut exister aussi sans le respect de ses coéquipiers, des non-chasseurs, de la faune sauvage et de la flore.
Soyez donc des chasseresses nouvelle génération, éthiques et responsables ; ce que j’appelle des chasseresses 2.0… mais ça marche aussi pour les hommes ! 🙂