La Peste Porcine Africaine ou PPA semble loin pour beaucoup d’entre nous. C’est exactement ce que pensaient nos voisins belges quand elle sévissait dans les pays de l’Est jusqu’à ce qu’elle frappe à leurs portes.
Afin de mesurer le degré de menaces qui pèse sur la chasse française mais aussi sur l’agriculture, la filière bois et le tourisme, nous avons demandé à Pierre Zacharie, ingénieur des services vétérinaires et expert référent en hygiène de la venaison de répondre à nos questions.
Définition
La Peste Porcine Africaine est une maladie infectieuse et contagieuse qui ne touche que les suidés (sauvages et domestiques). Il ne s’agit donc pas d’une zoonose mais elle a un impact économique important pour la filière d’élevage porcin. Elle détient ainsi le statut de maladie à notification obligatoire auprès de l’OIE (Office International des Epizooties).
Étiologie
La PPA est une maladie virale hautement pathogène. En effet, son virus est présent dans tous les tissus et liquides des suidés (viande, sang, fécès, moelle osseuse). Elle résiste de plus aux grandes variations thermiques et de pH. Elle résiste même aux désinfectants usuels. Seule la cuisson à 60° rend le virus, inactif.
Temps de survie du virus (source Friedrich-Loeffer-Institut-FAO)
PRODUITS |
STOCKAGE |
TEMPS DE SURVIE |
Sang/sérum | Réfrigérateur (2-6°C) | 6 ans |
A température ambiante | > 4 mois | |
A 60°C | 30 minutes | |
Carcasse | Température (4-8 °c) | 7 mois |
Viande salée |
/ |
182 jours |
Viande séchée |
/ |
300 jours |
Mode de contamination
Les modes de contamination sont très variés et donc, difficilement maitrisables.
Les animaux (sangliers et porcs) se contaminent par contacts directs mais aussi, en ingérant des déchets alimentaires contenant de la viande de porc ou des produits dérivés. Les insectes piqueurs et les tiques sont également vecteurs de la maladie tout comme les locaux, les véhicules, le matériel ou encore les vêtements contaminés.
Répartition géographique
La Peste Porcine Africaine est considérée comme une maladie endémique en Afrique Sub-Saharienne et en Sardaigne. En 2007, elle gagne la Géorgie puis se propage en 2012 et 2013, en Biélorussie, Russie, Ukraine et Estonie. En 2017, 10 pays supplémentaires sont touchés (dont la Roumanie) rejoint en 2018, par la Belgique.
Nombre de cas en Europe
Au 27 juillet 2018, 4 111 cas de Peste Porcine Africaine ont été recensés en Europe. Au 6 mars 2019, 612 cas ont été relevés en Belgique.
Signes cliniques
Sous sa forme aigue, la PPA génère une forte fièvre et peut s’avérer mortelle en 2 à 10 jours. Le taux de mortalité peut atteindre 100 %. (C’est la forme présente actuellement en Belgique.)
Les lésions sur les organes sont quasiment identiques à la Peste Porcine Classique. Elles se traduisent systématiquement par des hémorragies en surface des organes ou dans les tissus.
Sous sa forme atténuée, les symptômes sont moins intenses mais le taux de mortalité se situe entre 30 et 70 %. (Pour l’instant, cette forme n’est pas présente en Belgique.)
Autres signes cliniques
La PPA engendre perte d’appétit, rougeur de la peau au niveau des oreilles de l’abdomen et des pattes mais peut aussi entraîner une détresse respiratoire, des vomissements, des hémorragies nasales ou rectales, une diarrhée et générer des avortements.
Prévention et contrôle de la maladie : précautions générales
Malheureusement, il n’existe aucun traitement, ni vaccin pour cette maladie. Seules des mesures de prévention peuvent limiter son expansion telles que :
- L’absence d’introduction d’animaux (suidés) des zones contaminées,
- L’absence d’introduction de produits alimentaires frais ou secs à base de porcs en provenance des mêmes zones,
- L’élimination correcte dans les zones endémiques, des déchets alimentaires provenant des avions, des bateaux et véhicules provenant de pays infectés (notamment l’Afrique).
Pour les voyageurs et surtout, les chasseurs présents dans les zones touchées par la PPA, d’autres directives s’ajoutent :
- Se laver les mains à l’eau et au savon après la chasse,
- Nettoyer et désinfecter à fond les bottes et les matériels utilisés qui ont étés en contact avec un Sanglier,
- Nettoyer son véhicule sur place extérieurement et intérieurement (surtout tapis de sol),
- Ne pas emmener de chiens de chasse dans les zones contaminées,
- Interdiction de ramener des produits à base de viande et des trophées.
Prévention et contrôle de la maladie en Belgique
En Belgique, trois zones ont été mises en place : une zone contaminée ou noyau, une zone tampon et une zone d’observation renforcée. Ces trois zones ont été partiellement clôturées afin de ralentir la propagation du virus. Sur chacune des zones, des actions s’organisent :
- En zone noyau, les personnes formées par la Direction Nature et Forêt quadrillent le secteur pour trouver les cadavres. Ces sangliers sont « emballés » hermétiquement dans des bâches. Les agents de la protection civile collectent les cadavres et les emmènent à un centre d’équarrissage créé spécialement à cet effet où les analyses (rate) sont effectuées puis, les animaux détruits. Toute activité en forêt est interdite. Suivant le principe de précaution, plus de 5 000 porcs domestiques ont été aussi abattus.
- En zone tampon, un ratissage a également lieu. Des tirs de nuit sont effectués par des personnes dument agréés ainsi que des vols en hélicoptère avec caméra thermique. Des battues ont lieu en appui humain avec l’armée Belge (rabatteurs).
- En zone d’observation renforcée, la chasse est toujours autorisée et sera prolongée jusqu’à fin avril. La recherche de cadavres est également active.
Malgré toutes ces précautions, la maladie s’étend à l’ouest et vers le Luxembourg et le nombre de sangliers positifs retrouvés morts s’accroit (728 au 19 mars 2019). Un Sanglier positif a été retrouvé à environ 1 km de la frontière Française. On estime d’ailleurs que la maladie progresse d’environ 3 à 4 km par mois.
Depuis le signalement de la maladie en Belgique, le marché de la viande porc a chuté dramatiquement et les éleveurs de porcs Belges ne peuvent plus exporter leur viande vers l’Asie qui était un de leurs principaux clients. La question du devenir de la chasse et des locations de territoire est aussi évoquée et l’avenir de celle-ci paraît très sombre.
Prévention et contrôle de la maladie en France
Depuis fin 2018, une Zone d’Observation Renforcée (ZOR) a été créée sur 4 départements : les Ardennes, la Meuse, la Meurthe et Moselle et la Moselle.
Depuis janvier 2019, une zone blanche a été instaurée le long du secteur Belge infecté. Elle concerne 24 communes des Ardennes et de la Meuse.
Dans cette zone, tout sanglier doit être abattu. La destruction est effectuée principalement par les chasseurs, les agents de l’ONCFS et de l’ONF et les lieutenants de louveterie. L’armée intervient également mais au niveau logistique. Elle peut être réalisée par des agents assermentés de jour comme de nuit, avec utilisation de véhicules motorisés, de sources lumineuses, et de lunettes de tir de nuit à infrarouge. Des tirs à partir d’hélicoptères équipés de matériel à vision thermique sont également effectués. Seul l’emploi de chiens de petites quêtes est autorisé.
Les sangliers abattus sont transportés vers des points de collecte (3 en Meuse et 2 dans les Ardennes) pour être acheminés vers l’équarrissage et détruits. Ces animaux sont indemnisés par l’Etat à hauteur de 100 euros par animal (versés aux chasseurs). Cette somme correspond au défraiement pour la géolocalisation, l’empaquetage et le transport de l’animal vers le centre de collecte pour l’équarrissage.
Depuis le 18 janvier, toute activité forestière, économique et de loisir est également prohibée sur cette zone. Et, l’activité des patrouilles de surveillance pour rechercher les cadavres s’est intensifiée (330 actuellement).
Perspectives d’évolution de la maladie et conséquences en France
De nouvelles clôtures sont posées régulièrement. (Cette technique est envisagée sur plus de 80 km). Malgré tout, l’apparition de cette maladie paraît hélas inéluctable. Comme les Fédérations de Chasseurs concernées l’avouent : « Il s’agit d’une véritable bombe atomique ! »
L’apparition de cette maladie serait en effet, un véritable drame pour l’élevage porcin car la France perdrait son statut de pays officiellement indemne de PPA, gage de pouvoir exporter sa viande de porc en Asie (50 % de la production). Les pertes seraient de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros. Cette maladie aurait aussi des répercussions gigantesques dans le monde la chasse avec une chute certaine du nombre de permis.