Le Programme Régional de la Forêt et du Bois (PRFB) Auvergne-Rhône-Alpes, signé par le Ministre de l’Environnement en novembre 2019, vise à promouvoir l’activité économique sylvicole en identifiant les freins à la mobilisation du bois et en proposant des solutions pour y remédier. Ce document traite essentiellement des problématiques liées au changement climatique, au manque d’accessibilité aux ressources (desserte) mais également à l’équilibre, sylvo-cynégétique. En effet, les grands ongulés présents dans nos massifs et si chers aux yeux des chasseurs, consomment ou frottent volontiers leurs bois aux jeunes pousses, si chères aux yeux des forestiers pour assouvir leurs besoins physiologiques (nourriture, marquage de territoire).
Du dire d’expert à la science…
Depuis le retour et le développement des populations de grand gibier, souhaités par les chasseurs mais également par l’Etat (mission confiée aux chasseurs dans le code l’environnement ), ces derniers relèvent annuellement divers indicateurs de suivi et adaptent leurs plans de chasse au vu d’objectifs partagés entre acteurs en Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS).
Ces indicateurs sont basés sur des protocoles validés (comptages nocturnes) comme sur le « dire d’expert » : enquête transmise aux sociétés de chasse et aux instances forestières lors des révisions triennales des plans de chasse.
Mais, l’arrivée du PRFB vient quelque peu bousculer ces habitudes de travail. Suite aux travaux du Comité Paritaire Régional Sylvo-Cynégétique, composé de représentants forestiers et cynégétiques, le PRFB impose désormais la mise en place d’Indicateurs de Changements Ecologiques dits « ICE » sur plusieurs massifs de la Région dont le Trièves, Belledonne Nord, le Vercors et la Chartreuse.
Les ICE
Les ICE ou Indicateurs de Changement Écologiques, développés par l’ONCFS (aujourd’hui dénommé OFB) et l’Observatoire de la Grande Faune et de ses Habitats (OGFH), visent à étudier la relation entre les ongulés et leur milieu selon des protocoles validés scientifiquement. Certains sont appliqués depuis les années 90 par les chasseurs mais leurs acronymes ne sont pas toujours explicites. Parmi eux, on distingue :
- Les Indicateurs d’Abondance (IA) qui comprennent tous les protocoles de dénombrement de population, dont, entre autres, les Indices Ponctuels d’Abondance (IPA), les Indices Nocturnes (IN) : les chasseurs isérois ont notamment recours à ces indicateurs au mois d’avril, lors de leurs comptages nocturnes aux cervidés.
- Les Indicateurs de Performance (IP) : après prélèvement, les chasseurs peuvent peser les jeunes ongulés, mesurer la longueur de leurs mâchoires et/ou de leurs pattes arrières mais aussi, la longueur de leurs dagues ou encore, estimer le taux de gestation des femelles. En pratique, les chasseurs relèvent le poids des animaux prélevés, plus simple à la mise en œuvre.
- Les Indicateurs de Pression sur la Flore (IPF) qui incluent les Indices de Consommation (IC) et d’Abroutissement (IA) de la végétation par les grands ongulés. Ces méthodes consistent à observer la consommation exercée sur les végétaux ligneux et semi-ligneux, ainsi que sur les semis (régénération) à partir d’un réseau de placettes d’inventaire. Deux sites existent actuellement en Isère : un, en Chartreuse et un second, dans le massif des 4 montagnes dans le Vercors.
L’ensemble de ces indicateurs visent à définir un état des lieux entre la population d’ongulés et la capacité d’accueil du milieu, puis à observer une tendance d’évolution au fil du temps. Ils constituent donc des outils d’aide à la décision lors de l’établissement des plans de chasse.
La difficulté de mise en place des IPF
Le protocole prévoit au minimum 150 placettes par massif forestier et une placette tous les 30 ha. Cet échantillonnage est réalisé, au sein d’un massif, sur les forêts constituées d’essences « objectifs » (essence ciblée par les forestiers : essentiellement sapin, épicéa et pins en Isère). Au vu des surfaces potentiellement concernées, cela représente plusieurs centaines de placettes à inventorier annuellement par les acteurs forestiers, impliquant un investissement humain conséquent. Des discussions sont en cours en Isère, mais aussi avec nos voisins drômois et savoyards, pour définir une échelle de travail admissible et au plus proche du protocole.
La position politique de la FDCI
Pour les massifs concernés, la Fédération Départementale des Chasseurs de l’Isère souhaite maintenir en l’état l’application des ICE « cynégétiques » existants (indice nocturne et relevé des poids des jeunes). Cet engagement bénévole des chasseurs représente déjà annuellement sur le terrain, pour les 4 massifs précités, près de 2 500 heures, environ 45 circuits de comptages et 1 800 km parcourus. Elle ne souhaite pas s’impliquer dans le relevé des Indicateurs de Pression Floristique (IPF), qui incombe naturellement aux acteurs forestiers (Office National des Forêts, service forêt de la Chambre d’agriculture, Forestiers Privés) de par leurs compétences.
Nous espérons que la concertation entre chasseurs et forestiers isérois, citée en exemple en haut lieu, permettra prochainement de trouver un consensus acceptable de tous.